handicap

Égalisation des chances des personnes handicapées

Première approche en mai 1997 dans le cadre d'un travail de DEA


I. Introduction
II. Les instruments juridiques
III. Mise en œuvre des politiques adéquates à l'échelon national et local
IV. Intégration, égalité des chances et autonomie
V. Perspectives

I.  Introduction

Les personnes handicapées ne constituent pas un groupe homogène : parmi les 500 millions de personnes recensées dans le monde, on inclut aussi bien les malades et déficients mentaux, les personnes ayant des troubles de la vue, de l'audition ou de la parole, une infirmité locomotrice, ou diverses incapacités. Pourtant, bien des déficiences peuvent actuellement être réduites ou corrigées par des moyens techniques tantôt extrêmement simples, tantôt complexes. La notion de handicap doit donc être analysée en fonction des capacités et des possibilités d'amélioration disponibles.
D'après Leandro Despouy, les causes de handicap sont multiples : hérédité, lésions néonatales, insalubrité du logement, catastrophes naturelles, analphabétisme, mauvaise hygiène, malnutrition, accidents, maladies congénitales, maladies cardio-vasculaires, maladies métaboliques, maladies virales, parasitoses, troubles mentaux et nerveux, toxicomanie, alcoolisme, guerre, mines, attentats terroristes, tortures et sévices, etc.. Mais, chaque déficience ne peut être évaluée qu'individuellement car ses effets varient selon de multiples facteurs tels que les attitudes, l'environnement, la disponibilité et l'efficacité des moyens techniques d'accommodation, etc...
Comme tout citoyen, chaque personne handicapée doit voir ses droits fondamentaux satisfaits : se nourrir, se maintenir en bonne santé, croître, participer à la vie socio-économique et culturelle de la société. Elle a droit au plein développement de sa personnalité et de ses capacités. Pour y parvenir, elle doit se voir reconnaître des droits spécifiques lui permettant d'exercer ses droits d'être humain, dans des conditions d'égalité avec les autres individus de la société.
Pourtant, la plupart des personnes handicapées vivent encore marginalisées par l'ignorance ou l'incompréhension, sans pouvoir tirer pleinement partie de leurs capacités. De plus, les adaptations environnementales ne suffisent pas à éliminer les barrières sociales et l'isolement liés au handicap.
Les organisations internationales protègent les droits des personnes handicapées par le biais d'instruments de protection des droits de l'homme de portée générale. Citons la Charte des Nations Unies, la Déclaration universelle des droits de l'homme, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, les recommandations et conventions de l'Organisation Internationale du Travail, la Convention des droits de l'enfant.
Mais, depuis plus d'un quart de siècle, la communauté internationale manifeste un intérêt particulier pour les personnes handicapées en prenant des mesures spécifiques en leur faveur. Ainsi, en 1971, l'Assemblée Générale des Nations Unies adopte la Déclaration des droits du déficient mental; en 1975, la Déclaration des droits des personnes handicapées. Elle proclame 1981 Année internationale des personnes handicapées puis, le 3 décembre 1982, adopte le Programme d'action mondial pour les personnes handicapées. Dans le cadre des mesures de suivi de ce programme, les Règles pour l'égalisation des chances des handicapés, sont adoptées en décembre 1993.
L'étude de ces instruments permet de définir les notions fondamentales et la terminologie liée au handicap. Mais leur portée dépasse ce cadre sémantique. En effet, leur mise en œuvre détermine des législations régionales ou nationales adaptées ou spécifiques, des mesures concrètes de nature à atténuer ou éliminer les situations discriminatoires afin d'aboutir à l'égalité et l'autonomie des personnes handicapées.

II. Les instruments juridiques

A. Les normes internationales conventionnelles

La Charte des Nations Unies, adoptée le 26 juin 1945, est le premier traité international qui impose le respect des droits fondamentaux de l'homme, de la dignité et de la valeur de la personne humaine, dans l'égalité de droits des hommes et des femmes, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion.
En 1966, la question du handicap n'est mentionnée expressément ni dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ni dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Toutefois, ceci ne fait pas obstacle à l'examen de la situation des personnes handicapées par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels, comme c'est le cas lors de la onzième session, en 1994, conformément aux recommandations du rapporteur spécial Leandro Despouy et au paragraphe 165 du Programme d'action mondial concernant les personnes handicapées. En effet, les dispositions des pactes sont pleinement applicables aux personnes handicapées.
Notons que d'après les articles 22 et 23 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels la coopération internationale doit contribuer à réduire les disparités liées au développement.
Les conventions et recommandations de l'Organisation Internationale du travail, de 1955, 1958 et 1983, sont marquées par une terminologie désormais démodée, mais ont le mérite d'avoir une valeur contraignante.
Après la Recommandation n°99 concernant l'adaptation et la réadaptation professionnelles des invalides, adoptée en 1955, la Recommandation n°111 concernant la discrimination en matière d'emploi et de profession en 1958, l'O.I.T. adopte en 1983 la Convention n°159 ainsi que la Recommandation n°168 concernant la réadaptation professionnelle et l'emploi des personnes handicapées.
La Convention relative aux droits de l'enfant, en 1989, protège les droits de tout enfant, sans distinction aucune, indépendamment de toute considération de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou autre de l'enfant ou de ses parents ou représentants légaux, de leur origine nationale, ethnique ou sociale, de leur situation de fortune, de leur incapacité, de leur naissance ou de toute autre situation.
L'article 23 de cette convention accorde une protection particulière aux enfants mentalement et physiquement handicapés, en proclamant leur droit de vivre "dans des conditions qui garantissent leur dignité, favorisent leur autonomie et facilitent leur participation active à la vie de la collectivité". Les États parties se doivent d'aider à l'éducation et mettre en place des institutions, établissements et services.

B. Les déclarations des Nations Unies

En 1948, la Déclaration universelle des droits de l'homme, énonce les principes fondamentaux d'égalité et de non-discrimination et affirme que les droits économiques, sociaux et culturels sont indispensables à la dignité de l'homme, sans distinction aucune.
Elle reconnaît la nécessité d'une protection pour les personnes handicapées. En effet, elle proclame que toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et celui de sa famille, notamment pour l'alimentation, l'habillement, le logement, les soins médicaux, l'accès aux services sociaux nécessaires, mais aussi à la sécurité en cas d'invalidité ou de perte de ses moyens de subsistance par suite de circonstances indépendantes de sa volonté.
Selon la Déclaration des droits du déficient mental de 1971, il est nécessaire d'aider les déficients mentaux à développer leurs aptitudes dans des domaines d'activités les plus divers et de favoriser leur intégration à une vie sociale normale. Le déficient mental doit jouir des mêmes droits que les autres êtres humains; il a droit aux conseils qui l'aideront à améliorer au maximum ses capacités, à la sécurité économique ainsi que le droit selon ses possibilités d'accomplir un travail productif ou d'exercer toute autre occupation utile. Il a le droit de vivre en famille ou en foyer et de participer à différentes formes de vie communautaire, dans des conditions de vie normales; il doit bénéficier d'une tutelle qualifiée pour protéger sa personne ou ses biens, être à l'abri de toute exploitation, abus ou traitement dégradant.
La Déclaration des droits des personnes handicapées, en 1975, vise notamment l'intégration à la vie sociale des personnes handicapées qui doivent jouir du droit au respect de leur dignité et de leurs droits fondamentaux : avoir une vie décente, normale et épanouie; bénéficier de mesures visant à acquérir la plus large autonomie possible, d'aides et de conseils dans le cadre du processus d'intégration sociale ; prétendre à un emploi ou à une occupation utile; pouvoir vivre en famille ou en foyer et participer à toutes activités; être protégés des traitements discriminatoires, abusifs ou dégradants. Leurs besoins particuliers doivent être pris en compte dans la planification économique et sociale.
En 1986, l'article 8 de la Déclaration sur le droit au développement, demande aux États de prendre toutes les mesures nécessaires pour la réalisation du droit au développement et à l'égalité des chances de tous dans l'accès aux ressources de base, à l'éducation, aux services de santé, à l'alimentation, au logement, à l'emploi et à une répartition équitable du revenu.
Lors du Sommet de Rio de 1992 sur l'environnement, la communauté internationale est favorable au concept d'une forme de développement économiquement, écologiquement et socialement acceptable.
La Conférence Habitat II des Nations Unies, à Istanbul, en juin 1996, avec le thème "La ville du XXIe siècle, jungle ou moteur de l'économie mondiale?", constitue un progrès avec une orientation vers un développement durable qui tient compte des intérêts des personnes handicapées. Le préambule du document final stipule que "le handicap fait partie intégrante de la vie et que les personnes handicapées n'ont pas toujours eu la possibilité de participer pleinement et sur un pied d'égalité au développement et à la gestion des établissements humains, et notamment aux décisions, le plus souvent en raison de barrières sociales, économiques, psychologiques et physiques ainsi que de la discrimination dont elles sont victimes. Il convient de supprimer ces barrières et d'intégrer pleinement les besoins et les aspirations des personnes handicapées dans les programmes et les politiques relatives aux établissements durables afin que l'accès pour tous devienne une réalité". Ce texte met beaucoup plus l'accent sur la participation que sur les mesures spécifiques marginalisantes contenues dans les résolutions adoptées lors du Sommet mondial pour le développement social de Copenhague, en 1995.

C. Les nouveaux instruments et le principe de pleine participation et d'égalité

La communauté internationale s'engage à garantir l'exercice effectif des droits de l'homme aux personnes handicapées dans les instruments suivants :

1. Le Programme d'action mondial et la Décennie des Nations Unies pour les personnes handicapées

Ce programme résulte des travaux du Comité consultatif pour l'Année internationale créé lors de la trente-deuxième session de l'Assemblée Générale des Nations Unies. Selon sa résolution A/37/53 du 3 décembre 1982 relative à l'application du programme, l'Assemblée Générale "proclame la période 1983-1992 Décennie des Nations Unies pour les personnes handicapées, à titre de plan d'action à long terme, étant entendu que cette mesure ne nécessitera aucune ressource supplémentaire des Nations Unies, et encourage les États Membres à utiliser cette période comme l'un des moyens d'appliquer le programme". La proclamation de cette Décennie peut donc être considérée comme une mesure essentiellement symbolique et incitative.
Le Programme d'action mondial constitue un cadre politique visant à promouvoir des mesures propres à assurer la prévention de l'incapacité, la réadaptation et la poursuite des objectifs de l'Année internationale : participation pleine et entière à la vie sociale et au développement et égalité. Son application incombe à la Troisième Commission de l'Assemblée Générale et fait périodiquement l'objet de réunions interinstitutions. Elle nécessite également un fonds d'affectation spéciale alimenté par des contributions volontaires des États.
La coopération internationale qu'implique ce programme se traduit notamment par des mesures particulières en faveur des pays en développement, où vivent quatre-vingt pour cent des personnes handicapées.
Conformément à la résolution A/39/26 de l'Assemblée Générale des Nations Unies, une réunion internationale d'experts se tient à Stockholm en 1987 pour évaluer l'application du Programme d'action mondial et relève "un certain nombre de graves insuffisances en la matière". Afin de garantir les droits des personnes handicapées, la conférence recommande à l'Assemblée Générale des Nations Unies de convoquer une conférence spéciale pour élaborer une convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination envers les personnes handicapées.
L'Italie présente un projet de convention à ce sujet lors de la quarante-deuxième session de l'Assemblée Générale puis la Suède fait de même lors de la quarante-quatrième session, mais aucune convention ne voit le jour. En effet, il ne se dégage pas de consensus concernant les méthodes pertinentes pour mettre en œuvre le Programme d'action mondial; un certain nombre de pays estiment que les instruments internationaux existants garantissent déjà aux personnes handicapées les mêmes droits que les autres, ce qui correspond à l'esprit du paragraphe 163 de ce Programme. Rappelons pourtant que l'existence de pactes internationaux de portée générale en la matière ne fait pas obstacle à l'adoption de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et à celle de la Convention relative aux droits de l'enfant.
En 1987, le Conseil économique et social prie le Secrétaire Général de faire tous les efforts appropriés afin de mobiliser une action et un appui internationaux en faveur de la Décennie.
En 1989, l'Assemblée Générale invite une fois de plus les États membres à renforcer les comités nationaux, à mobiliser l'opinion publique, à participer à l'exécution de projets en faveur des personnes handicapées. D'après la résolution A/44/70 adoptée le 8 décembre 1989, l'application du Programme d'action mondial est menacée par l'insuffisance des contributions versées au fonds d'affectation spéciale qui le finance. Dans ce contexte, la prévention, la réadaptation et l'égalisation des chances doivent être prioritaires.
Une réunion internationale sur les ressources humaines dans le domaine de la prévention de l'invalidité a lieu à Tallinn en août 1989.
La Commission économique et sociale pour l'Asie et le Pacifique de l'Organisation des Nations Unies mène un programme d'action dans le cadre de la Décennie Asie-Pacifique pour les handicapés (1993-2002). Cela signifie que l'Organisation admet implicitement que la Décennie des Nations Unies pour les personnes handicapées n'a pas abouti à des résultats satisfaisants dans cette région. Il s'agit donc d'améliorer au niveau régional la mise en œuvre du Programme d'action mondial. Les actions menées dans ce cadre sont financées par un fonds d'affectation spéciale créé par des États membres de la C.E.S.A.P..
Par la Déclaration mondiale en faveur de la survie, de la protection et du développement de l'enfant, et son Plan d'action, adoptée par le Sommet mondial pour les enfants à New York, en 1990, la communauté internationale estime que les enfants handicapés devraient recevoir une attention plus grande, ainsi que des soins et un soutien plus efficaces et s'engage à améliorer leur sort.
Les principes pour la protection des personnes atteintes de maladie mentale et pour l'amélioration des soins de santé mentale, adoptés en 1991 s'appliquent sans discrimination d'aucune sorte. Ils garantissent le droit aux meilleurs soins de santé mentale disponibles, dans le respect de la dignité de la personne. Toute personne atteinte de maladie mentale doit être protégée, a le droit d'exercer ses droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels, peut vivre en société dans la mesure du possible. Le traitement doit tendre à préserver et renforcer l'autonomie personnelle du patient.

2. Les Règles pour l'égalisation des chances des handicapés

Lorsque le Rapporteur spécial nommé par la Sous-Commission des droits de l'homme, M. Leandro Despouy, publie, en 1992, le rapport intitulé "Les droits de l'homme et l'invalidité", la Commission du développement social décide d'attirer l'attention des États sur la nécessité d'accorder des possibilités et des droits égaux aux personnes handicapées par un nouvel instrument international intitulé Règles pour l'égalisation des chances des personnes handicapées.
A l'occasion de la Conférence mondiale sur les droits de l'homme de Vienne, le Programme d'action, adopté le 25 juin 1993, proclame qu'"il faut veiller particulièrement à ce que les handicapés ne soient pas victimes de discrimination et puissent exercer dans des conditions d'égalité tous les droits et libertés fondamentaux de la personne humaine, notamment en participant activement à tous les aspects de la vie sociale". Selon ce texte, les États parties doivent "leur garantir des chances égales en éliminant tous les obstacles" et invitent "l'Assemblée générale et le Conseil économique et social à adopter, à leurs sessions de 1993, le projet de règles pour l'égalisation des chances des personnes handicapées". Les organisations non gouvernementales internationales et nationales sont étroitement associées à l'élaboration des règles puisque la Commission du développement social crée un groupe de travail ad-hoc à composition non limitée au sein duquel elles jouent un rôle actif.
Suite à un rapport du Secrétaire général sur l'application du Programme d'action mondial, la quarante-huitième session de l'Assemblée Générale des Nations Unies est marquée par l'adoption de plusieurs résolutions importantes concernant les personnes handicapées: il s'agit des résolutions A/48/95, A/48/96, A/48/97 et A/48/99, toutes adoptées le 20 décembre 1993.
La résolution A/48/95 "prie le Secrétaire général de consolider, en réaffectant les ressources disponibles, le programme des Nations Unies pour les personnes handicapées" et de rendre compte à l'Assemblée Générale "tous les deux ans sur les progrès accomplis en ce qui concerne l'égalisation des chances et la pleine intégration des handicapés dans les différents organes du système des Nations Unies". En outre, d'après la résolution A/48/97, il doit également rendre compte à la Commission du développement social des mesures prises par les États pour célébrer la Journée internationale des handicapés le 3 décembre conformément à la résolution A/47/3.
Les Règles pour l'égalisation des chances des handicapés, énoncées dans la résolution A/48/96, s'inscrivent dans la continuité du Programme d'action mondial mais aussi de l'ensemble des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme. Elles sont destinées à compenser l'absence de convention internationale relative aux droits des personnes handicapées.
Cette résolution constitue un instrument international plus concis et concret que le programme d'action mondial. En outre, elle a le mérite d'établir un mécanisme de suivi de l'application des règles dans le cadre des sessions de la Commission du développement social.
Les règles peuvent servir de principes directeurs pour l'expression des revendications des personnes handicapées et des organisations qui les défendent ainsi que pour l'établissement de politiques régionales et nationales. Il s'agit également de favoriser l'émergence et la consolidation progressive de normes internationales coutumières.
D'après la définition établie dans le Programme d'action mondial, le terme "égalisation des chances" désigne le processus par lequel le cadre général de la société - environnement matériel et culturel, logement et transports, services sociaux et services de santé, enseignement et emplois, et aussi la vie culturelle et sociale, y compris les installations sportives et les équipements de loisirs - est rendu accessible à tous.
C'est en mars 1995 que le Sommet mondial pour le développement social demande aux gouvernements de promouvoir les Règles des Nations Unies pour l'égalisation des chances des handicapés, de formuler des stratégies d'application, de définir des politiques centrées sur les compétences des handicapés et non sur leurs handicaps et respectant leur dignité en tant que citoyens.
En avril 1996, la Commission des droits de l'homme, prie instamment tous les États membres de mettre en œuvre, avec la coopération et l'assistance d'organisations, les Règles pour l'égalisation des chances des handicapés.
Les vingt-deux règles pour l'égalisation des chances, énoncées dans la résolution A/48/96 de l'Assemblée Générale des Nations Unies, portent sur les thèmes suivants : sensibilisation, soins de santé, réadaptation, services d'appui, accessibilité, éducation, emploi, maintien des revenus, sécurité sociale, vie familiale et plénitude de la vie personnelle, culture, loisirs et sports, religion, information et recherche, prise de décision et planification, législation, politiques économiques, coordination des travaux, organisations de personnes handicapées, formation du personnel, suivi et évaluation à l'échelon national des programmes en faveur des handicapés, coopération technique et économique, coopération internationale.
Par l'intermédiaire d'un groupe d'experts, mais également directement, les organisations non gouvernementales participent activement au mécanisme de suivi. En effet, il leur est reconnu un rôle consultatif auprès du Rapporteur spécial Bengt Lindqvist, ancien ministre suédois des affaires sociales. D'après la résolution A/48/96, le Rapporteur, nommé pour trois ans, est chargé d'établir des rapports examinés par la Commission du développement social lors de ses trente-quatrième et trente-cinquième sessions.
Le rapport final du Rapporteur spécial sur le suivi de l'application des Règles des Nations Unies pour l'égalisation des chances des handicapées est présenté à la Commission du développement social qui formulera des recommandations pour le Conseil économique et social et l'Assemblée générale lors de la prochaine session.
Dans un communiqué de presse du 27 février 1997, le rapporteur spécial indique que l'adoption des règles a stimulé le développement de nouvelles politiques dans de nombreux pays à travers le monde.

3. Projet de plan d'action pour l'an 2000 et au-delà

Le projet de plan d'action intitulé "Vers une société pour tous : stratégie à long terme pour la mise en œuvre du programme d'action mondial concernant les personnes handicapées d'ici à l'an 2000 et au-delà" englobe des mesures nationales, régionales et mondiales avec l'idée maîtresse de "société pour tous" et les trois axes : prévention des incapacités, réadaptation et égalisation des chances pour les personnes handicapées.

D. La terminologie internationale

On peut établir une terminologie à partir de la Classification de l'Organisation mondiale de la santé, de la Déclaration des droits des personnes handicapées, de la Convention n°159 de l'Organisation Internationale du Travail, du Programme d'action mondial et des Règles pour l'égalisation des chances.
La Recommandation n°99 concernant l'adaptation et la réadaptation professionnelles des invalides, adoptée en 1955 par l'O.I.T., définit le terme invalide comme "toute personne dont les chances d'obtenir et de conserver un emploi convenable sont effectivement réduites par suite d'une diminution de ses capacités physiques ou mentales."
En 1980, la classification élaborée par le chercheur anglais Philip Wood et adoptée par l'O.M.S. sous le titre International Classification of Impairments, Disabilities, and Handicaps distingue les concepts de déficience, incapacité et handicap ainsi que la relation entre les trois niveaux. Huit ans plus tard, à Paris, la Classification de l'O.M.S. présente une modification importante; elle s'intitule désormais Classification internationale des handicaps : déficiences, incapacités et désavantages. Le concept de désavantage remplace celui de handicap pour des raisons de clarification.
Le handicap est un désavantage résultant pour un individu d'une déficience ou d'une invalidité, qui limite l'individu concerné dans l'exercice d'un rôle normal pour lui, compte tenu de son âge, de son sexe et de facteurs sociaux et culturels ou l'empêche d'exercer ce rôle. Le handicap est donc fonction des rapports des personnes handicapées avec leur environnement. Il surgit lorsque ces personnes rencontrent des obstacles culturels, matériels ou sociaux qui les empêchent d'accéder aux divers systèmes de la société qui sont à la portée de leurs concitoyens. Le handicap réside donc dans la perte ou la limitation des possibilités de participer sur un pied d'égalité avec les autres individus à la vie de la communauté.
La déficience est une perte ou anomalie d'une structure ou d'une fonction psychologique, physiologique ou anatomique.
L'incapacité est toute réduction ou absence, due à une déficience, de la capacité d'exécuter une activité de la manière ou dans la plénitude considérées comme normales pour un être humain.
On peut reprocher à la classification de privilégier une vision pathologique du handicap au détriment de sa dimension subjective. En outre, toute classification appliquée à l'être humain comporte des risques d'usage arbitraire ou attentatoire à la dignité. La Classification de l'O.M.S. est en processus de révision.
Dans la Déclaration des droits des personnes handicapées, un handicapé est une personne dans l'incapacité d'assurer elle-même tout ou partie des nécessités d'une vie individuelle ou sociale normale, du fait d'une déficience, congénitale ou non, de ses capacités physiques ou mentales.
La Recommandation n°111 de l'OIT concernant la discrimination en matière d'emploi et de profession définit le terme discrimination; il comprend "toute distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la religion, l'opinion politique, l'ascendance nationale ou l'origine sociale, qui a pour effet de détruire ou d'altérer l'égalité de chances ou de traitement en matière d'emploi ou de profession et toute autre distinction, exclusion ou préférence ayant pour effet de détruire ou d'altérer l'égalité des chances ou de traitement en matière d'emploi ou de profession, etc.".
En 1983, l'O.I.T. adopte la Convention n°159 concernant la réadaptation professionnelle et l'emploi des personnes handicapées, ainsi que la Recommandation n°168 concernant la réadaptation professionnelle et l'emploi des personnes handicapées, qui complète la Déclaration de 1955. Pour tenir compte de l'évolution des approches des États parties face aux personnes handicapées, l'O.I.T. remplace dans ces deux instruments l'expression invalide par celle de personne handicapée, expression qu'elle définit comme désignant "toute personne dont les perspectives de trouver et de conserver un emploi convenable ainsi que de progresser professionnellement sont sensiblement réduites à la suite d'un handicap physique ou mental dûment reconnu".
Selon le Programme d'action mondial et les Règles pour l'égalisation des chances, le handicap est fonction de la relation entre les personnes handicapées et leur milieu. Il désigne les obstacles culturels, physiques ou sociaux qui empêchent ces personnes d'avoir accès aux divers systèmes sociaux qui sont mis à la disposition des autres citoyens. Le handicap constitue une perte ou une limitation des possibilités de participer, au même titre que les autres, à la vie de la communauté, ce qui correspond à une déficience ou incapacité sur le plan social.
Les Règles pour l'égalisation des chances, comme la Classification internationale des handicaps, font la distinction entre les concepts de déficience et de handicap. La prévention est définie comme toute action visant à empêcher les déficiences physiques, mentales et sensorielles de survenir ou, à défaut, d'empêcher que ces déficiences n'entraînent une limitation fonctionnelle permanente ou l'incapacité. La réadaptation vise à permettre aux handicapés d'atteindre et de préserver un niveau fonctionnel optimal du point de vue physique, sensoriel, intellectuel, psychique ou social et à les doter ainsi des moyens d'acquérir une plus grande indépendance.

E. Les normes régionales

D'après le rapport du Secrétaire Général des Nations Unies relatif à l'application du Programme d'action mondial, en 1994, "un certain nombre d'organismes régionaux s'occupent des questions relatives à l'invalidité, notamment les commissions régionales de l'ONU, le Conseil de l'Europe, l'Union européenne, la Ligue des États arabes, l'Organisation de l'Unité africaine, l'Organisation des États américains et le Conseil nordique".

1. Les activités du Conseil de l'Europe

Au sein du Conseil de l'Europe, il existe un Comité pour la réadaptation et l'intégration des personnes handicapées. Celui-ci publie périodiquement une étude sur la législation dans les États membres, dont la cinquième édition est parue en 1993.
La Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en son article 14, prohibe toute discrimination fondée sur le handicap. D'après la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l'Homme, une mesure conforme en elle-même aux exigences d'un article consacrant un droit ou une liberté peut cependant enfreindre cet article, combiné avec l'article 14, si cette mesure revêt un caractère discriminatoire.
L'Accord partiel dans le domaine social et de la santé publique de 1959 porte sur les activités visant à harmoniser les législations sanitaires nationales et se rapportant à la réadaptation et à l'intégration sociale des personnes handicapées. Les travaux des groupes de travail aboutissent à des recommandations adoptées par le Conseil des Ministres ayant valeur de directives communes pour les responsables de l'élaboration des politiques nationales.
Dans le cadre de cet accord partiel, le Conseil de l'Europe élabore des rapports d'activité concernant l'intégration des personnes handicapées.
En 1961, la Charte sociale européenne, garantit le "droit des personnes physiquement ou mentalement diminuées à la formation professionnelle et à la réadaptation professionnelle et sociale". L'article 15 encourage tout autant le développement du "travail protégé" que du "travail en milieu ordinaire". Le Protocole additionnel de 1991 vise à améliorer son efficacité, en particulier le fonctionnement de son mécanisme de contrôle.
En 1981, dans le cadre de l'Année internationale des personnes handicapées, un Comité d'experts pour la révision et la mise à jour des résolutions dans le domaine de la réadaptation est constitué.
La Résolution AP (84) 3 du 17 septembre 1984 annonce le programme complet de politique de réadaptation, avec des principes généraux, des mesures pratiques et des dispositions particulières. C'est en 1991 que le texte de la révision de cette résolution est adopté pour être proposé à la Conférence ad hoc des ministres européens qui l'adoptent à l'unanimité. Le principe de vie autonome des personnes handicapées avec leur pleine participation à la vie sociale et la reconnaissance de leur droit à l'indépendance est acquis dans le texte final de la Recommandation n° R (92) 6. Celle-ci préconise notamment une réadaptation précoce de l'enfant, l'octroi de prestations à domicile ou en externat pour éviter les hospitalisations prolongées, des prothèses, orthèses et aides techniques adaptées et fournies rapidement, une évaluation régulière des aptitudes.
En 1986, la recommandation n°R (86) 18 du Comité des ministres instaure une Charte européenne du sport pour tous.
En 1992, le Comité des ministres pour la réadaptation et l'intégration des personnes handicapées (accord partiel entre 14 pays) définit les principes généraux de la politique de réadaptation et d'intégration des personnes handicapées et propose aux gouvernements un certain nombre de recommandations.
En 1995, la Charte sur l'évaluation professionnelle des personnes handicapées, adoptée par la résolution AP (95) 3, conjugue des principes éthiques et des procédures d'évaluation en mettant en corrélation les capacités des personnes et les exigences des postes de travail.

2. Les activités des Communautés européennes et de l'Union européenne

Dès 1963, le Conseil des Ministres des Communautés adopte une décision relative à la formation professionnelle.
En 1989, l'article 26 de la Charte des droits sociaux fondamentaux des travailleurs reconnaît le droit de toute personne handicapée à l'intégration professionnelle et sociale en affirmant que “toute personne handicapée, quelles que soient l'origine et la nature de son handicap, doit pouvoir bénéficier de mesures additionnelles concrètes visant à favoriser son intégration professionnelle et sociale. Ces mesures doivent notamment concerner, en fonction des capacités des intéressés, la formation professionnelle, l'ergonomie, la mobilité, les moyens de transport et le logement.”
Depuis 1981, au sein de la Commission européenne, est créée la Division "Intégration des personnes handicapées", rattachée à la Direction Générale V : "Emploi, relations industrielles et affaires sociales". Cette division coordonne les initiatives des autres directions lorsque l'intérêt des personnes handicapées est en jeu, gère le programme TIDE (technologies adaptées aux personnes handicapées, aux activités en matière de sport pour personnes handicapées) et le programme HELIOS (Handicapped People in Europe Living Independently in an Open Society) avec une équipe extérieure d'experts.
C'est le 8 août 1987, que le Conseil des ministres décide le programme HELIOS; il couvre l'intégration dans l'éducation, la formation et la réadaptation professionnelle, l'intégration économique, l'intégration sociale et la vie autonome.
Il s'articule autour de trois axes : compréhension approfondie des conditions de vie des personnes handicapées, recherche d'une politique et de pratiques au niveau européen, établissement de structures permettant la participation active des personnes handicapées et de leurs associations au développement du programme.
Les participants sont très divers et représentent différents pays, différents types de handicaps et différentes approches des programmes européens.
HELIOS I, de 1988 à 1991, développe surtout des activités d'information et d'échanges dans l'intégration économique, éducative, sociale et la réadaptation fonctionnelle, dans l'animation de forums, avec un important réseau d'Organisations Non Gouvernementales.
La base de données HANDYNET sur les aides techniques, conçue sans concertation avec les personnes handicapées, est surtout utilisée par les professionnels de la santé des pays les plus avancés techniquement. Sa mise à jour régulière est interrompue à la fin de l'année 1996.
Le programme européen HELIOS II, mené de 1993 à 1996, élargit son action à la prévention et à la réadaptation fonctionnelle, à la coopération dans l'enseignement maternel et à la formation continue. De même que le Programme d'action mondial, il a pour objectifs l'égalité des chances et l'intégration des personnes handicapées. Mais il se caractérise par une mise en valeur novatrice de thèmes spécifiques tels que la vie autonome ou la qualité de vie.
Parmi les thèmes prioritaires, celui de "La transition vers l'Autonomie" de 1994, montre qu'une personne handicapée peut vivre harmonieusement la relation avec son corps, son foyer, sa famille, la communauté et la société si certains critères sont respectés : acceptation, responsabilité solidaire, droit à la dignité, à la formation, mise à disposition de moyens.
La Commission édite de nombreux rapports en annexes de ces recommandations. Ainsi est publié en 1993 un Rapport sur les mesures à prendre dans la Communauté en matière d'accessibilité des moyens de transport aux personnes à mobilité réduite.
En 1994, le Livre blanc "Action pour l'Avenir" traite essentiellement des thèmes de l'intégration sociale et de l'autonomie des personnes handicapées.
En décembre 1996, le programme HELIOS II aboutit à la publication par la Commission européenne d'un Guide européen de bonnes pratiques pour l'égalisation des chances des personnes handicapées. Ce guide examine les pratiques actuelles, promeut le transfert de connaissances et de bonnes pratiques, encourage l'effet multiplicateur par l'information, sert d'outil pédagogique et aide à planifier l'avenir. Les Règles énoncées dans la résolution A/48/96 de l'Assemblée Générale des Nations Unies sont présentées en annexe de ce Guide, ce qui contribue à leur diffusion et promotion. Ces bonnes pratiques incarnent la reconnaissance du droit, au moment opportun, à des services complets et appropriés destinés à permettre aux personnes handicapées d'accroître leur autonomie.
L'initiative communautaire emploi (1994-1999), avec son volet HORIZON, est destinée à faciliter l'accès au marché de l'emploi des personnes handicapées et défavorisées et des groupes à risques par le soutien à la création d'emplois, la formation aux technologies et compétences nouvelles, l'adaptation du lieu de travail, le développement de nouvelles formes d'emplois locaux.
Le Forum Européen des Personnes Handicapées est créé en février 1993 en tant qu'instance consultative de la Commission européenne pour le programme HELIOS II. En mars 1997, ce Forum devient une instance indépendante de revendication regroupant des ONG et des conseils nationaux institués conformément au Programme d'action mondial. Après la publication d'un rapport sur la violence et la discrimination à l'encontre des personnes handicapées, le Forum demande que le Traité de Maastricht soit révisé de manière à prohiber cette discrimination. Depuis 1e 25 avril 1993, il existe dans le cadre du Forum un Conseil national français des personnes handicapées pour les questions européennes, organisation non gouvernementale.
Le 20 décembre 1996, les représentants des États membres de l'Union européenne adoptent une résolution 97/C 12/01 concernant l'égalité des chances pour les personnes handicapées, intégrant à l'ordre juridique communautaire les Règles des Nations Unies pour l'égalisation des chances ainsi que la résolution du Conseil de l'Europe du 9 avril 1992 relative à une politique cohérente en matière de réadaptation des personnes handicapées.
Depuis le 31 décembre 1996, l'Union Européenne ne mène plus de programme spécifique pour les personnes handicapées. La Grande Bretagne et l'Allemagne s'y opposent pour des raisons financières. Les députés européens membres de l'intergroupe sur le handicap se mobilisent contre les réductions budgétaires et demandent à la Commission de prendre des mesures pour faciliter la liberté de mouvement des personnes handicapées au sein de l'Union Européenne et l'accès à la Sécurité sociale.

III. Mise en œuvre des politiques adéquates à l'échelon national et local

Selon la Règle n°15 pour l'égalisation des chances, "les droits et les obligations des handicapés peuvent être incorporés dans la législation générale ou faire l'objet de lois spéciales". Étudions d'abord comment le Canada et le Québec assurent la protection des personnes handicapées contre la discrimination dans le cadre global du dispositif de protection des droits de l'homme, puis comment la France s'est dotée de lois spécifiques.
La Loi canadienne sur les droits de la personne interdit à tout employeur ou fournisseur de services relevant de la compétence fédérale d'établir des distinctions illicites fondées sur un certain nombre de critères, dont la déficience physique ou mentale (y compris la dépendance à l'égard de l'alcool ou de la drogue). La Charte canadienne des droits et des libertés constitue le fondement de l'égalité de tous les citoyens. Son article 15 interdit la discrimination fondée sur les déficiences mentales et physiques.
La Charte des droits et libertés de la personne québécoise s'inscrit dans ce large mouvement qui, aux plans national et international, vise à accorder une protection effective et accrue aux droits et libertés de la personne. L'article 10 précise que "toute personne a droit à la reconnaissance et à l'exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur [...], le handicap ou l'utilisation d'un moyen pour pallier ce handicap". L'article 16 interdit l'exercice "de discrimination dans l'embauche, l'apprentissage, la durée de la période de probation, la formation professionnelle, la promotion, la mutation, le déplacement, la mise à pied, la suspension, le renvoi ou les conditions de travail d'une personne ainsi que dans l'établissement de catégories ou de classifications d'emplois". L'article 52 ajoute une règle de prépondérance ayant pour effet de conférer aux droits et libertés fondamentaux, au droit à l'égalité, aux droits politiques et aux droits judiciaires respectivement énoncés aux articles 1 à 38 "une supériorité de principe, semblable à celle dont profitent les normes garanties par un texte constitutionnel".
Outre la législation générale, il est fréquent que les États élaborent un dispositif spécifique de protection des personnes handicapées.
Depuis plusieurs dizaines d'années, la France conduit une politique d'intégration de la population fondée sur la compensation des désavantages inhérents au handicap. Avant 1975, plusieurs législations spécifiques coexistent : mutilés de guerre, sécurité sociale et ses branches invalidité et accidents du travail, aide sociale, reclassement des travailleurs handicapés.
Puis, l'ensemble des grandes orientations est regroupé en un texte unique, la loi n° 75-534 du 30 juin 1975 d'orientation en faveur des personnes handicapées. Elle vise à offrir à chacun la possibilité d'atteindre un degré d'autonomie, d'épanouissement et d'intégration sociale aussi élevé que possible. Elle dispose que la prévention et le dépistage des handicaps, les soins, l'éducation, la formation et l'orientation professionnelle, l'emploi, la garantie d'un minimum de ressources, l'intégration sociale et l'accès aux sports et aux loisirs constituent une obligation nationale. Une réforme de cette loi est en cours d'élaboration.
D'autres mesures spécifiques complètent cette loi. La loi n°87-517 du 10 juillet 1987 instaure une obligation d'emploi des travailleurs handicapés de 6% et précise comment les employeurs peuvent satisfaire à cette obligation. La loi n° 90-602 du 12 juillet 1990 relative à la protection des personnes contre la discrimination en raison de leur état de santé ou de leur handicap modifie l'article 225-1 du Nouveau Code Pénal de telle manière que les discriminations à l'encontre des personnes handicapées sont passibles de sanctions pénales. Des mesures prises en 1991 favorisent l'accessibilité des locaux d'habitation, des lieux de travail et des installations recevant du public.
Depuis 1993, le nouveau guide-barème français basé sur les concepts développés dans la classification internationale sert de référence aux Commissions Départementales de l'Educati Spéciale (C.D.E.S.) et aux Commissions Techniques d'Orientation et de Reclassement Professionnel (C.O.T.O.R.E.P.) pour fixer les taux d'incapacité.
Dans le cadre des politiques nationales, conformément à la Règle n°20 pour l'égalisation des chances, les États mettent en place des structures spécifiques de dialogue et de concertation, mais aussi de contrôle des engagements pris.
Au Québec, l'Office des personnes handicapées du Québec, créé par la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées au Québec, favorise la coordination et la promotion de services répondant aux besoins des personnes handicapées, prépare des inventaires établissant les besoins des personnes handicapées et les ressources existantes, effectue des recherches et études sur l'intégration scolaire, professionnelle et sociale des personnes handicapées, la protection de leurs droits et la promotion de leurs intérêts.
En France, il existe une délégation interministérielle, rattachée au Ministère du Travail et des Affaires Sociales, ainsi qu'un Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées (C.N.C.P.H.), organe de concertation entre le Gouvernement et les Organisation Non Gouvernementales.
En application de la Règle n° 18 de la résolution A/48/96 de l'Assemblée Générale des Nations Unies, les organisations de personnes handicapées représentent les intéressés aux échelons national, régional et local et jouent un rôle consultatif dans la prise de décisions sur les questions se rapportant à l'incapacité.
Selon la Règle n°1, les États doivent entreprendre des actions d'information et de sensibilisation. Ainsi, en France, le handicap est déclaré "Grande Cause Nationale" en 1990 et 1995 et "la semaine nationale de la personne handicapée" est prévue en juin.
En avril 1997, les Ministères de la Culture et de l'Emploi organisent, en partenariat avec des Organisations Non Gouvernementales, une enquête nationale sur "les familles et le handicap en France", ce qui correspond à une mise en œuvre des règles n°1 et 20. On peut envisager que cette initiative permette d'améliorer la mise en œuvre de l'ensemble des règles et la qualité de vie des personnes handicapées, car il leur est demandé d'évaluer leur propre situation dans des domaines concrets: information, transports, loisirs, éducation, aide sociale, culture, santé, insertion professionnelle, citoyenneté.
Du fait de la décentralisation ou de la déconcentration réalisée dans de nombreux pays, les autorités locales sont souvent amenées à intervenir dans le domaine social, et plus particulièrement auprès des personnes handicapées. Ceci peut générer des inégalités entre personnes handicapées en fonction de leur lieu de résidence, comme c'est le cas en France où le montant de l'allocation compensatrice pour tierce personne varie selon les départements.
Quelques initiatives locales, au niveau d'une ville , d'un quartier ou d'une zone rurale, telles que la création d'antenne d'accueil, l'organisation de transports, etc., tentent de répondre à quelques-uns des problèmes. Mais, le processus est loin d'être aussi développé que celui touchant la création d'emplois, la lutte contre la pauvreté, la protection de l'environnement. Dans l'esprit de nombreux décideurs du développement local, trop souvent la réponse aux problèmes des handicapés reste l'institutionnalisation.
Dans l'article XIII de la Déclaration de Barcelone sur la ville et les personnes handicapées, les villes s'engagent à promouvoir et assurer la participation des personnes handicapées et de leurs organisations de représentation aux décisions qui les concernent. De même, l'Agenda sur l'Habitat adopté par les Nations Unies en 1996 doit permettre une meilleure prise de conscience locale.
La Commission européenne peut jouer un rôle en suscitant la prise en compte de la dimension du handicap dans le cadre des programmes d'actions communautaires relatifs au développement local et de la ville, en développant des réseaux d'échange entre communautés locales.
Dans le cadre du projet HORIZON, le réseau RISORSE, en Italie, coordonne depuis 1994 des centres d'information et de documentation sur le handicap, des associations et des centres locaux de ressources; il a pour objectif de tisser des liens solides entre les personnes handicapées et les réseaux locaux à caractère social et de promouvoir la vie autonome.

IV. Intégration, égalité des chances et autonomie

Une multitude de facteurs psychiques et matériels contribuent à la marginalisation des personnes handicapées. Dans de nombreux pays en développement, le manque de moyens empêche la majorité d'entre elles d'envisager toute possibilité de vie autonome. Ainsi, celles dont la mobilité est réduite du fait de leur déficience sont particulièrement pénalisées par les carences en matière d'infrastructures, ce qui entrave lourdement leur insertion sociale. Mais dans les pays développés, aides techniques et encadrement appropriés favorisent aujourd'hui l'accès à l'éducation, à la culture et aux loisirs.
Pour les personnes handicapées, l'avènement de nouvelles technologies représente une occasion potentiellement prometteuse d'accroître leur autonomie et d'accéder à de nouvelles activités. A contrario, les progrès techniques peuvent aussi générer inégalités et exclusion. En effet, l'adaptation aux difficultés et besoins spécifiques des utilisateurs handicapés est fréquemment un processus long et difficile, facteur de surcoûts.

A. L'éducation

L'école a une mission d'intégration sociale. En dépit de l'évolution récente des mentalités en la matière, les enfants handicapés n'ont que trop rarement accès aux mêmes établissements d'enseignement que les autres. Pour être accueillis dans les établissements scolaires ordinaires, les jeunes handicapés doivent vaincre de nombreux obstacles matériels et psychologiques : ils peuvent se trouver confrontés tant à des préjugés ou évaluations inexactes de leurs aptitudes qu'à l'insuffisance de moyens matériels ou de soutiens spécifiques. Les aménagements dans les pratiques éducatives, nécessaires pour prendre en compte les déficiences d'un enfant, se révèlent profitables aux autres élèves. Mais l'intégration scolaire nécessite des effectifs réduits, un soutien spécialisé, une formation adaptée, une collaboration des enseignants avec les personnels spécialisés.
De nombreux instruments internationaux, régionaux ou nationaux s'appliquent au droit à l'éducation, si possible en milieu ordinaire, pour une meilleure intégration sociale.
L'article 13 du Pacte international sur les droits civils et politiques définit les objectifs de l'éducation : l'éducation doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine et du sens de sa dignité et renforcer le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales, mettre toute personne en mesure de jouer un rôle utile dans une société libre.
L'article 26 §1 de la Déclaration universelle des droits de l'homme prohibe toute discrimination en matière d'éducation : "toute personne a droit à l'éducation. L'éducation doit être gratuite, au moins en ce qui concerne l'enseignement élémentaire et fondamental. L'enseignement élémentaire est obligatoire. L'enseignement technique et professionnel doit être généralisé; l'accès aux études supérieures doit être ouvert en pleine égalité à tous en fonction de leur mérite".
Dans la Déclaration des droits de l'enfant les États reconnaissent que les enfants mentalement ou physiquement handicapés doivent mener une vie pleine et décente, dans la dignité, favorisant leur autonomie et facilitant leur participation active à la vie de la collectivité. En vertu de l'article 28 de cette déclaration, l'exercice du droit à l'éducation doit garantir l'égalité des chances et l'enseignement primaire est obligatoire et gratuit pour tous. Il incombe au Comité des droits de l'enfant de veiller au respect du droit à l'éducation des jeunes handicapés.
L'article 23 §3 de la Convention relative aux droits de l'enfant impose aux États parties d'accorder une aide gratuite aux enfants handicapés, leur permettant d'accéder à l'éducation et à la formation et d'aller vers une intégration sociale et un épanouissement personnel.
La Règle pour l'égalisation des chances n°6 recommande l'éducation des handicapés dans un cadre intégré dans des établissements équipés de services d'interprétation de langage et autres services appropriés. Lorsqu'un enseignement spécial doit être envisagé, il doit être conçu de manière à préparer les élèves à entrer dans le système d'enseignement général.
En mai 1990, le Conseil des Ministres des Communautés européennes adopte une résolution concernant l'intégration des enfants et des jeunes affectés d'un handicap dans le système d'enseignement ordinaire. Le Conseil se montre favorable au développement maximum de cette intégration, "avec le concours, s'il y a lieu, du secteur et/ou des services spécialisés". Selon cette résolution, "la pleine intégration dans le système d'enseignement ordinaire devrait être considérée en premier lieu [c'est-à-dire de préférence à l'éducation spéciale] dans tous les cas appropriés et tous les établissements d'enseignement devraient être en mesure de répondre aux besoins des élèves et des étudiants affectés d'un handicap". Remarquons que l'usage du conditionnel est conforme au caractère purement incitatif de cette résolution, dans la mesure ou chaque État détermine souverainement sa politique éducative, même si cette résolution semble empreinte d'un volontarisme accru par rapport au Programme d'action mondial.
Le Conseil de l'Europe recommande aussi des mesures concrètes d'assistance et la mise à disposition de ressources spécifiques adaptées au handicap .
En France, la non-discrimination, l'égalité d'accès sont deux des quatre grands principes qui régissent les services publics de l'éducation. Les structures ségrégatives se multiplient après la guerre pour prendre en charge les enfants en difficultés à l'école. Mais un nouveau mouvement apparaît dans les années 70; il prône l'intégration scolaire, ouvre les institutions marginalisantes. La législation de 1975 vient confirmer cette volonté d'intégration. Pourtant les institutions ordinaires n'ouvrent leurs portes que petit à petit sous la pression des familles et des associations. Les institutions spécialisées restent le recours nécessaire pour accueillir les enfants, lorsque les écoles de quartier s'abritent derrière des problèmes d'accessibilité ou de moyens. La pré scolarisation en école maternelle, spécifique à la France, permet le dépistage des difficultés sensorielles, motrices ou intellectuelles et favorise leur traitement précoce.
Le Québec, dans la loi sur l'instruction publique de 1989, prévoit que, dans chaque établissement, une commission scolaire adapte les services éducatifs aux élèves handicapés et en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage selon leurs besoins, propose par règlement, des normes d'organisation des services, offre des services éducatifs spéciaux aux enfants incapables, en raison de déficience physique ou mentale pour qu'ils profitent de l'enseignement donné dans les classes ou cours réguliers. Le législateur québécois semble vouloir privilégier une organisation scolaire fondée à la fois sur la reconnaissance des besoins individuels des élèves handicapés et sur l'adaptation des services éducatifs offerts, pour favoriser les apprentissages et l'insertion sociale. Dans ce contexte s'inscrit l'obligation légale d'établir un plan d'intervention relatif à l'élève handicapé, plan auquel sont appelés à collaborer, de façon complémentaire, divers intervenants impliqués auprès de l'enfant (famille, école, commission scolaire et Office des personnes handicapées). Pour favoriser le développement intégral de l'élève et son insertion dans la société, les services éducatifs offerts prévoient notamment, outre les services d'enseignement nécessaires aux apprentissages d'ordre académique, un ensemble de services complémentaires et particuliers pouvant inclure des ressources en psychoéducation et en éducation spécialisée.

B. Intégration des adultes par l'accès à l'emploi

Les personnes atteintes de déficiences sont confrontées à de nombreuses difficultés au moment de la recherche d'emploi. Ainsi, malgré une politique volontariste, le Canada a un taux de chômage des personnes handicapées d'environ 50%. Un service automatisé de renseignements sur les emplois disponibles, une aide à l'orientation doivent faciliter la recherche d'emploi.
L'égalité en matière d'emploi signifie que nul ne doit se voir refuser un débouché professionnel pour des raisons étrangères à ses compétences. Elle implique la suppression des obstacles arbitraires qui empêchent un individu de faire usage de ses aptitudes. Dans ce contexte, la discrimination s'entend des pratiques ou des attitudes qui gênent l'accès des particuliers ou des groupes à des possibilités d'emploi, en raison de caractéristiques qui leur sont prêtées à tort.
Les employeurs sont souvent réticents à employer les personnes handicapées; ils évaluent mal, par méconnaissance, leurs qualifications ainsi que leurs capacités et déficiences.
Réussir une insertion professionnelle, implique de définir les conditions d'employabilité d'une personne. Des améliorations des postes de travail par des innovations encourageantes sont possibles. Elles assurent aux personnes handicapées une plus grande autonomie au travail mais leur coût d'acquisition est souvent prohibitif; d'autre part, les concepteurs ne tiennent pas suffisamment compte des besoins particuliers des personnes handicapées. Dans le cadre d'un projet de partenariat un fonds consacré à l'élimination des obstacles auxquels fait face la personne recrutée permettrait d'aménager le poste de travail, de rembourser le surcoût des frais de transport adapté, etc..
Un nombre croissant de services sont offerts sur support électronique; la solution du travail à domicile par le développement du télétravail résoudra les problèmes de déplacements des personnes à mobilité réduite. Il incombe aux gouvernements et au secteur privé de veiller à ce que ces nouvelles possibilités soient entièrement accessibles aux personnes concernées.
Par ailleurs, comme il existe une corrélation positive incontestée entre l'emploi et le niveau d'instruction, il importe que les étudiants handicapés aient accès au matériel et aux services nécessaires pour poursuivre des études.
Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels encourage les États parties au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels à ratifier la Convention n°159 concernant la réadaptation professionnelle et l'emploi des personnes handicapées.
La Règle n° 7 pour l'égalisation des chances recommande aux États d'appuyer l'intégration des handicapés sur le marché du travail par diverses mesures : "formation professionnelle, système de quota avec incitations, création de postes réservés, les prêts ou dons destinés aux petites entreprises, des contrats d'exclusivité ou droits de production prioritaire, des avantages fiscaux, des dispositions contractuelles et diverses formes d'assistance technique ou financière aux entreprises employant des travailleurs handicapés, des subventions aux employeurs" et par des aménagements de postes de travail.
Le Programme d'action mondial demande aux États d'avoir pour objectif de permettre le travail sur le marché du travail ordinaire, le travail en unité de travail protégé restant offert à ceux qui ont des besoins auxquels il est impossible de répondre dans le cadre d'un emploi ordinaire.
Le Conseil de l'Europe recommande, pour l'emploi en milieu ordinaire, des mesures pour éviter toute discrimination en ce qui concerne l'accès à l'emploi, la rémunération, la carrière ou le maintien dans l'emploi. Mais les personnes disposant d'une capacité professionnelle particulièrement limitée pour effectuer un travail productif et qui ne peuvent, en raison de la gravité de leur handicap, exercer, provisoirement ou définitivement, d'activité professionnelle dans le milieu ordinaire, devraient trouver place dans le secteur du travail protégé.
En France, on trouve une multitude d'intervenants spécialisés attachées à différentes organisations. Les Equipes de Préparation et de Suite du Reclassement (E.P.S.R.) représentent une traduction institutionnelle du concept de compensation dans la tradition intégrative vers le monde du travail. La réduction du marché de l'emploi conduit à poser aujourd'hui le problème de l'insertion professionnelle des handicapés davantage en termes de priorité et d'obligation sociales que de compensation. C'est la loi de 1987 sur l'emploi des personnes handicapées qui réglemente cette nouvelle conception. Elle fixe les conditions de l'obligation d'emploi imposée à tous les entreprises occupant au moins 20 salariés d'employer 6% de travailleurs handicapés.
Avec la Loi sur l'équité en matière d'emploi de 1986, le Canada a pour objectif l'équité au travail pour les femmes, les autochtones, les minorités visibles et les personnes handicapées. L'équité d'emploi sans action positive est fondée sur le mérite et basée sur la collaboration entre gouvernement, employeurs et employés plus que sur la coercition. Le but est d'agrandir le vivier des personnes qualifiées parmi lesquels l'employeur recrute plutôt que d'imposer le recrutement arbitraire de personnes pour satisfaire à un quota artificiel. Après dix ans, la nouvelle Loi précise à l'alinéa 33 (1) c) qu'aucun quota ne sera imposé à l'employeur, que la fonction publique ne sera pas obligée d'embaucher ou de promouvoir des personnes "sans égard à leur mérite". A la notion de quotas, le gouvernement canadien préfère celle "d'objectifs numériques".

C. Dignité et qualité de vie

Pour préserver la dignité humaine, il convient de veiller à ce que les politiques de prévention des incapacités ne favorisent pas la marginalisation des groupes vulnérables, voire l'eugénisme. Ainsi, ni le législateur, ni le corps médical ne peuvent justifier par la prévention le recours à la contrainte pour la stérilisation ou le dépistage systématique. La réflexion du Conseil de l'Europe en ce domaine aboutit, en novembre 1996, à l'adoption par le Comité des ministres de la Convention sur les droits de l'homme et la bio médecine.
Selon Jobst Paul " l'opinion ne s'aperçoit guère que de nombreuses institutions sont en train de créer une nouvelle image de l'homme. Ce faisant, on se met de nouveau à distinguer entre vies utiles et inutiles, sans s'arrêter à des droits de l'homme conquis de haute lutte".
La qualité de vie est définie "comme la perception qu'a un individu de sa place dans l'existence, dans le contexte de la culture et du système de valeurs dans lesquels il vit et en relation avec ses objectifs, ses attentes, ses normes et ses inquiétudes. C'est un concept très large influencé de manière complexe par la santé physique de la personne, son état psychologique, son niveau d'indépendance, ses relations sociales ainsi que sa relation aux éléments essentiels de son environnement". La notion d'intégrité de la personne entendue dans sa globalité se rapproche du concept de dignité, d'honneur et de réputation, de liberté et de droit à la vie.
Toute personne aspire à une vie sociale, à choisir son mode d'existence, à exercer ses droits de citoyens. Dans la vie en société, ce sont souvent les préjugés qui empêchent l'accès aux lieux publics, restaurants, bars et discothèques pour les déficients mentaux. Fréquemment, la société, les institutions, les familles s'opposent au mariage des handicapés. Lorsqu'aucune législation nationale antidiscrimination ne vient compléter la législation internationale ou régionale, la situation juridique des personnes handicapées reste précaire. On rencontre dans différents États des cas d'impossibilité de témoigner pour les sourds-muets, des cas d'impossibilité d'exercer une tutelle ou de voter pour des aveugles.
Les personnes handicapées mentales, surtout lorsqu'elles sont internées, sont les plus exposées à des conditions de vie difficiles. Elles n'ont souvent aucun moyen de communiquer avec l'extérieur et n'ont aucune intimité lors des visites. C'est pourquoi, le placement en institution doit rester l'ultime recours, dans des cas d'extrême gravité prévus par la loi, ce qui revient à abolir les institutions sauf dans les circonstances exceptionnelles. Le Québec prépare la disparition de 6000 lits dans les hôpitaux psychiatriques sur une période de cinq ans; les économies ainsi réalisées seront attribuées aux groupes et aux familles qui prennent soin des malades psychiatriques.
La Déclaration des personnes handicapées énonce le droit au respect de la dignité humaine, ce qui implique la jouissance "d'une vie décente, aussi normale et épanouie que possible". Le handicapé a les mêmes droits civils et politiques que les autres êtres humains; si ces droits doivent être limités pour une personne atteinte de maladie mentale, c'est le paragraphe 7 de la Déclaration des droits du déficient mental qui s'applique. La personne handicapée doit être protégée "contre toute exploitation, toute réglementation ou tout traitement discriminatoires, abusifs ou dégradants"
D'après la résolution A/47/134, adoptée par l'Assemblée Générale des Nations Unies le 18 décembre 1992, l'exclusion constitue une atteinte à la dignité humaine. Par conséquent, les personnes handicapées doivent avoir la possibilité de déterminer leur mode de vie en fonction de leurs capacités et de leurs aspirations, en bénéficiant d'une assistance qui corresponde à leurs besoins sans entraver leur autonomie.
D'après les principes annexés à la résolution de l'Assemblée Générale sur la Protection des personnes atteintes de maladie mentale et pour l'amélioration des soins de santé de 1991, c'est un tribunal indépendant et impartial qui doit prendre la décision de retirer la capacité juridique à une personne atteinte de maladie mentale (article 6 principe 1). Lorsque le placement ne peut être évité la personne doit conserver son droit au respect de la vie privée, à la liberté de communication et sa vie doit être aussi proche que possible de la vie normale (principe 13); le placement d'office d'une personne atteinte de maladie mentale doit être limité et contrôlé (principe 16).
Pour éviter les cas de stérilisation forcée, les États doivent veiller à ce que les lois n'établissent aucune discrimination à l'encontre des personnes handicapées quant aux relations sexuelles, au mariage et à la procréation (Règle n°9 pour l'égalisation des chances). Les personnes handicapées doivent avoir accès aux méthodes de planification familiale. La stérilisation ne doit jamais être appliquée en tant que traitement des maladies mentales.
En France, en 1975, la loi d'orientation en faveur des personnes handicapées fait de l'insertion sociale une obligation nationale, institutionnalise la notion de représentativité des associations concernées par la mise en place du Conseil national consultatif des personnes handicapées tandis que celle relative aux institutions sociales et médico-sociales réglemente l'accueil et l'hébergement des personnes handicapées.
L'article 17 de la Convention américaine relative aux droits de l'homme reconnaît le droit de se marier et de fonder une famille à tous les hommes et femmes ayant l'âge requis.

D. Intégration par des conditions matérielles satisfaisantes

Dans les pays en développement, très souvent, les personnes handicapées ne survivent qu'en mendiant. Les populations les plus pauvres, les peuples autochtones, les travailleurs migrants les femmes (souvent privées d'accès à l'éducation, aux services de santé, à l'emploi) sont totalement démunis lorsqu'ils ont des déficiences. Leurs conditions de vie difficiles accroissent leur handicap et en augmentent la fréquence.
Le principe de justice sociale impose d'assurer l'universalité d'accès aux services sociaux, n'excluant aucun citoyen. Les personnes handicapées ont besoin de soins nutritionnels, sociaux et médicaux adaptés pour mener une vie aussi normale que possible et pour éviter l'aggravation d'une déficience ou d'une incapacité.
Pour que les personnes handicapées vivent de façon autonome, il leur faut des services d'aide domestique, des équipements adaptés, des aides techniques. Le concept d'assistance personnelle permet à la personne handicapée de déterminer son style de vie, grâce à l'aide d'autres personnes qui accomplissent les tâches déléguées. Mais, une personne très lourdement déficiente ne peut survivre qu'avec la présence permanente vingt-quatre heures sur vingt-quatre d'un auxiliaire de vie, ce qui revient à rémunérer trois personnes quotidiennement (3 fois 8 heures). Or, les processus d'aide financière couvrent rarement de telles dépenses. De nouvelles possibilités apparaissent en Belgique : le service Actes de la Vie Journalière (A.V.J. ) qui propose une aide physique à domicile ininterrompue, à la demande et le SELFBUDGET qui propose une aide financière en laissant le choix du mode de vie.
Les difficultés d'accès aux réseaux de transports peuvent constituer une forme d'assignation à résidence de facto pour toutes les personnes qui en sont exclues. Partout dans le monde, cette situation est un puissant facteur de marginalisation, susceptible d'affecter l'ensemble de la vie sociale. Lorsqu'on améliore l'accessibilité d'une chaîne de transports, le passage d'un transport à un autre n'est pas pris en compte. L'information sur l'accessibilité des moyens de transports, avant et pendant le voyage est insuffisante.
Selon le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la ségrégation et l'isolement imposés matériellement sont une forme de discrimination fondée sur l'invalidité, et toute personne doit jouir pleinement de ses droits économiques, sociaux et culturels; les mesures de discrimination positive doivent être fondées sur le principe d'égalité (paragraphe 2 de l'article 2); l'accès à des modes de transport appropriés, adaptés aux besoins particuliers est indispensable à l'exercice de pratiquement tous les droits reconnus dans ce Pacte.
Selon le Programme d'action mondial, la responsabilité finale de remédier aux conditions qui mènent aux déficiences incombe aux gouvernements. Ils ont l'obligation de rendre les bâtiments publics accessibles, les logements adaptables et d'inciter à la création d'offres de différentes possibilités d'hébergement. Les politiques nationales doivent garantir l'accès des personnes handicapées à tous les services collectifs.
La Déclaration des droits des personnes handicapées proclame que le handicapé a droit à la sécurité économique et sociale et à un niveau de vie décent. Il doit pouvoir vivre en famille, cette existence étant plus propice à l'exercice des libertés que le placement en institution.
Le Conseil de l'Europe recommande la mise en place de services d'aide à domicile proposés jour et nuit si nécessaire. Un dispositif national ou régional assurant une assistance personnelle dans des conditions satisfaisantes peut permettre aux personnes handicapées de vivre à domicile.
Le quatrième programme cadre de l'Union Européenne doit travailler au partage d'informations sur les solutions possibles en matière de transport, en respectant le principe d'universalité des transports, assortie de techniques d'assistance.
Dans le cadre d'une économie de marché, les États doivent veiller à ce que le secteur privé soit assujetti au respect de normes limitant les situations de discrimination. Les législations nationales doivent tenir compte des avis des personnes handicapées et prévoir une chaîne de transports accessible et des subventions.
En France, le développement des réseaux de transport alternatifs spécialisés gérés par les associations et les collectivités locales ne peut légitimer l'exclusion des personnes handicapées des transports publics qui doivent respecter les obligations du service public, parmi lesquelles le principe d'égalité. Il est donc préférable de rendre accessibles les réseaux de transport existants plutôt que de développer des services spécifiques de transports spécialisés qui contribuent à la marginalisation des handicapés.
La législation britannique sur la quarantaine restreint la liberté de mouvement des personnes assistées d'un animal. En Amérique du Nord, la législation sur l'immigration est porteuse de discriminations à l'encontre de certaines personnes handicapées ou malades, comme si elles représentaient potentiellement un fardeau ou une menace pour l'État d'accueil.
Les dispositifs d'aides financières sont souvent complexes et porteurs d'inégalités. Ainsi, pour un même handicap, il peut arriver qu'un militaire français perçoive une pension cent fois supérieure à celle d'un agriculteur.

E. La prévention et les soins

Les programmes de prévention des déficiences sont beaucoup moins coûteux pour la société que les soins aux personnes handicapées. Les activités de prévention recouvrent aussi bien l'amélioration des conditions de vie, de nutrition, d'éducation, de soins de santé et d'environnement. La violence physique, mentale ou sexuelle, le travail précoce laissent des lésions graves génératrices de déficiences. Selon l'Agence Canadienne de Développement International, au cours des dix dernières années, quatre à cinq millions d'enfants sont devenus handicapés à la suite de conflits armés. Les réfugiés et déplacés sont d'autant plus vulnérables que la précarité de leur situation hypothèque l'accès aux soins et qu'ils subissent le traumatisme de l'exil.
Les populations des pays en développement sont victimes de malnutrition, de manque d'hygiène, de maladies à l'origine d'invalidités qui peuvent être évitées. L'apport de denrées alimentaires riches en vitamines et l'éducation à la nutrition ont pour objectif de faire disparaître les carences dans les pays en développement. En dépit des problèmes éthiques évoqués plus haut, le dépistage précoce des déficiences est indispensable pour éviter l'aggravation de l'anomalie et les examens prénataux évitent des aggravations par des soins avant ou immédiatement après la naissance.
Les mesures de réadaptation à prendre visent à préparer physiquement, moralement et socialement la personne à trouver une place dans la société. Les soins et services médicaux, sociaux et pédagogiques ne sont plus systématiquement dispensés dans des établissements spécialisés.
Le Programme des Nations Unies pour le Développement (P.N.U.D.), l'U.N.I.C.E.F. et l'O.M.S. participent conjointement à l'initiative contre les invalidités évitables dénommée IMPACT. Le P.N.U.D contribue à la prévention des incapacités en encourageant la coopération technique. L'O.M.S. et l'U.N.I.C.E.F. tentent d'éradiquer certaines maladies invalidantes en organisant de grandes campagnes de vaccinations, telle que celle menée actuellement contre la poliomyélite. Grâce au programme de l'O.M.S., tous les enfants devraient être vaccinés contre les six principales affections mortelles et invalidantes. L'Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (O.N.U.D.I.) aide les pays en développement à produire des vaccins.
En 1996, le Sommet mondial pour l'alimentation s'est fixé pour objectif de réduire le nombre de personnes mal nourries.
Le Comité des Nations Unies pour les droits de l'enfant déplore les violations graves de la Convention relative aux droits de l'enfant qui se produisent lorsqu'il est enrôlé dans les forces armées comme combattant et demande à l'U.N.I.C.E.F. et à d'autres organismes humanitaires de promouvoir sa protection auprès des autorités. Le handicap est également évoqué dans le rapport de Mme Machel relatif à l'impact des conflits armés sur les enfants, dans lequel le lien entre conflits armés et handicap ou, plus largement, problèmes de santé, est sans cesse démontré. Le projet de Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant, concernant l'implication d'enfants dans les conflits armés prévoit, dans son article premier, qu'ils ne prennent pas part aux hostilités avant l'âge de 18 ans. L'interdiction totale des mines antipersonnel pourrait éviter bien des drames pendant des décennies après les conflits.
La Convention n°138 de l'OIT fixe à 15 ans l'âge minimum d'admission à l'emploi et spécifie qu'aucun jeune de moins de 18 ans ne doit être occupé à des tâches dangereuses, mais cette convention n'assure pas actuellement de protection suffisante. Les États parties à la Convention relative aux droits de l'enfant reconnaissent son droit de n'être astreint à aucun travail comportant des risques ou pouvant nuire à son développement.
Les dispositions du paragraphe 3 de l'article 10 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, renforcées par les dispositions correspondantes de la Convention relative aux droits de l'enfant prévoient une protection spéciale pour ceux qui souffrent d'un handicap et qui sont particulièrement exposés à l'exploitation, aux sévices et à l'abandon.
L'article 23 §4 de la Convention relative aux droits de l'enfant prévoit l'échange d'informations entre États pour améliorer les capacités et les compétences dans le domaine des soins de santé préventifs.
Le Conseil de l'Europe recommande des actions d'éducation à la santé pour prévenir les risques liés à la grossesse, aux dysfonctionnement de la croissance, à l'alcoolisme, au tabagisme, au vieillissement, aux accidents.

V. Perspectives

Toute volonté d'améliorer la vie quotidienne des personnes handicapées se heurte à un paradoxe : il est nécessaire de prendre compte des difficultés spécifiques sans aboutir à des situations ségrégatives. Si l'environnement est adapté aux personnes atteintes de déficiences, elles vivent avec les autres à l'école, au travail, en famille.
Pour les personnes handicapées, la redéfinition de l'infrastructure civique revêt une importance particulière. Leur citoyenneté est inscrite dans les chartes, les lois et les codes relatifs aux droits de l'homme, mais elle demeure souvent traitée de façon fragmentaire. L'assimilation des déficiences à des particularismes peut favoriser tantôt l'intégration, tantôt l'exclusion en fonction de la manière dont chaque société considère la diversité. Lorsqu'une loi accorde un avantage à un groupe, d'autres groupes se sentent exclus et des accusations de discrimination apparaissent.
Par l'information et l'éducation du public sur les droits et les besoins des personnes handicapées, les États feront évoluer les attitudes. Les informations sur les programmes, la législation, les services, les aides techniques doivent être largement diffusées sur des supports variés et adaptés pour les personnes handicapées, les familles, les spécialistes et les associations. Peut-être vaut-il mieux parler de promotion que de protection des handicapés.


 

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CV Marika Demangeon

Citoyenneté agitée, droits de l'Homme et handicap http://marika.demangeon.free.fr 
publié par Marika Demangeon, doctorante en droit international à Paris X Nanterre et juriste